1. Une perception au second empire

 

En 1856, alors que régnait Napoléon III, Geudertheim comptait 1241 habitants. Sur les 430 adultes actifs du village, plus de 200 étaient des agriculteurs, qui disposaient de revenus assez conséquents.

Jusqu’au milieu des années 1840, il n’y avait dans chaque département qu’un nombre limité de perceptions : 11 circonscriptions à peine dans le Bas-Rhin en 1834. La perception de Brumath (pour laquelle le percepteur résidait à Strasbourg !), regroupait les cantons de Brumath, de Truchtersheim et d’Oberhausbergen en partie.

L’État décida en 1846 de procéder à une révision générale de ce système, avec un nombre de perceptions passant à 110 pour le Bas-Rhin. La circonscription de Brumath fut réduite aux communes de Brumath, Bernolsheim, Krautwiller et Mommenheim, et Geudertheim devint chef-lieu de circonscription, avec les communes de Geudertheim, Bietlenheim, Kriegsheim et Rottelsheim. Weyersheim devenait également chef-lieu, avec les communes de Weyersheim et Hoerdt. Mais en mai 1850, ces chefs-lieux se mettant en place avec difficulté, Le nombre de perceptions prévues fut alors ramené à environ 80, et Geudertheim se retrouva rattaché à celle de Weyersheim, réunissant les communes de Bietlenheim, Geudertheim, Gries, Hoerdt, Kurtzenhouse et Weyersheim.

À l’automne 1856, décision à laquelle le baron de Schauenburg, toujours très influent, ne fut peut-être pas étranger, le Ministre des Finances, décida de transférer à Geudertheim ce chef-lieu de perception auparavant installé à Weyersheim. Le domicile de résidence du percepteur se devait d’être facile d’accès, mais aussi représentatif de la fonction. Et celui où s’installa le nouveau percepteur de la commune l’était assurément : il s’agissait du « château du haut », route de Brumath (actuels établissements horticoles Schwarz, 34 rue du Général de Gaulle), ancien manoir des von Weitersheim jusqu’à la Révolution, et dont les Schauenburg venaient de se dessaisir quelques années auparavant, ne conservant que le « château du bas » (actuelle propriété Lutz, 13 rue du Moulin). Ce manoir était alors la résidence de campagne de M. Gérard, par hasard un…percepteur à la retraite, qui loua donc sa propriété au nouvel arrivant.

Celui-ci était Hubert Picquart, né à Strasbourg en 1814, fils de Mathias-Etienne Picquart, ancien inspecteur divisionnaire des Subsistances Militaires de Strasbourg (1757-1826), qui avait fini sa vie au château de Wilwisheim qu’il avait acheté. Les Picquart étaient en parenté avec la famille des notaires Lacombe, une des plus riches du Bas-Rhin (dont un membre fut maire de Strasbourg dans les années 1830), ainsi qu’avec les Coulaux, industriels exploitant les manufactures d’armes de Mutzig et de Klingenthal.

 

Au bord de la Zorn, l’ancien manoir des Weitersheim puis des Schauenburg,
résidence du percepteur Hubert Picquart

 

Résider dans un beau manoir est certes un avantage, mais cela n’est pas le seul : la circonscription de perception de Geudertheim était particulièrement lucrative. En effet, en 1866, sur les 27 perceptions de l’arrondissement de Strasbourg (dont deux pour Strasbourg même), celle de Geudertheim était la 10e en matière de rapport, avec 91.673 Francs de l’époque. A titre de comparaison, celle d’Illkirch rapportait 86.934 Francs, celle de Mutzig 76.777 Francs. Celles de Wissembourg et de Saverne, deux sous-préfectures (!), rapportaient à peine plus, respectivement 95.771 Francs et 90.756 Francs. Des chiffres qui en disent long sur la richesse des terres des environs et sur l’aisance financière de nos aïeux de Geudertheim.

Hubert Picquart, auparavant percepteur à Strasbourg, s’installa en 1856 dans la propriété Gérard avec sa femme Mélanie Debenesse, née en 1817. Les accompagnaient leurs quatre enfants tous nés à Strasbourg, Anne (12 ans), Hubert (11 ans), Paul (7 ans), et le petit Marie Georges, âgé d’à peine un an et demi, né le 6 septembre 1854.

Les Picquart demeurèrent à Geudertheim jusqu’à l’été 1862 au plus tard, aux 8 ans du petit Georges. Mais alors que le couple Picquart-Debenesse avait déjà perdu une fille, décédée à 4 ans et demi en 1850, un petit Louis René, qui était né à Geudertheim le 25 août 1859, y décéda à peine 11 jours plus tard, le 5 septembre. Il fut semble-t-il enterré à Geudertheim, mais sa tombe n’existe plus, le cimetière ayant été transféré en 1864 de son ancien emplacement, autour de l’église protestante (un carré devait être réservé aux catholiques, comme les Picquart), à son emplacement actuel, en lisière nord du village.

 

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