6. Le vrai symbole historique de la commune

Si la commune de Geudertheim reprit en 1950 les armoiries de la famille qui portait son nom, c'est qu'a priori on n'avait pas pu en attester de propres dans les temps passés. Nos recherches n'ont pas permis non plus de mettre en évidence de telles armoiries communales avant la Révolution de 1789.

À noter que les inventaires se trouvant aux Archives Départementales indiquent que sur un document (cote E 1755/29) se trouverait un sigille (sceau avec armoiries) de l'échevinat (Gericht c’est-à-dire le conseil municipal sous l’ancien régime) de Geudertheim, datant de 1517.

L'étude dudit document montre cependant qu'il s'agit en fait du sceau du curé Jacob Kornkauf. L’absence totale, apparemment, d’armoiries communales dans les archives ne veut pas dire qu'elles n'existèrent pas, mais c’est un élément qui semble indiquer que Geudertheim ne fut pas une exception dans le monde rural.

Cependant, en l'absence d'un sceau ou d'armoiries anciennes, il ne faut pas croire que la commune était démunie de tout symbole la représentant. La quasi-totalité des villages avaient en effet un Dorfzeichen, qui figurait en particulier sur les bornes marquant le territoire communal.

Dans l'armorial de Ludwig Schoenhaupt paru en 1910, Wappenbuch der Gemeinden des Elsasses nebst Darstellung der Bannsteine, l'auteur montre une telle borne avec ce qui était selon lui le Dorfzeichen de Geudertheim, à savoir une roue de moulin (Mühlrad). Il n'indique malheureusement aucune source.

 

Nous avons cherché, lors de la rédaction de notre Geudertheim, la mémoire du passé, des documents qui auraient pu nous éclairer sur ce sujet.

Par exemple, sous la cote ABR E 1595/6 se trouvent des pièces de 1767 concernant une affaire de délimitation avec Kriegsheim, et la mise en place de bornes. L'une de ces bornes faisait la limite entre les bans de Brumath, Geudertheim et Kriegsheim. Elle était ainsi décrite :

Dießer 3 eckige Bannstein, welcher auf der einen Seiten das Brumather Gemeinezeichen (eine Eichel und ein Stern) mit dem Namen Brumath und der Jahrzahl 1766, auf der andern das Weitbrucher bereits hiervornen beschriebenen Dorffzeichen (ein Huff-Eißen mit zwey Stollen) nebst dem Nahmen dießer Gemeind und gedachter Jahrzahl 1766, so dann auf der dritten der Gemeind Geudertheim Zeichen, bestehend in einem runden Ring, odter Circus. und in dießem eine Quer Linie aber der Name Geudertheim ebenmaßen mit der Jahrzahl 1766.

Cela signifie que cette pierre triangulaire portait sur une de ses faces un gland et une étoile, symboles de Brumath, sur la seconde un fer avec deux crampons, symbole de Kriegsheim, et enfin sur la troisième le symbole de Geudertheim. Sur chacune des trois faces se trouvaient la date de 1766 et le nom de la commune concernée. Le symbole de Geudertheim était un « ANNEAU OU UN CERCLE, AVEC À L'INTERIEUR UNE LIGNE TRANSVERSALE ».

Sous la cote ABR E 1760, un autre document, qui décrit les bornes marquant la limite entre la forêt communale de Geudertheim et celle des communes voisines, va même jusqu'à donner un petit schéma de chaque Dorfzeichen. Ci-après l’extrait de ce texte, avec au début de la 3e ligne celui qui est donné pour nous :

 

Ce document cite en particulier une nouvelle borne « tribanale » entre Geudertheim, Stephansfeld et Hoerdt, et datée de 1683. Comme dans l'autre document de 1767, il est cependant aussi fait mention de bornes ne portant absolument aucune indication ou marque.

Mais malgré les différents remembrements qui ont eu lieu au cours de l'Histoire, un grand nombre de ces anciennes bornes existe toujours. Elles ont été recensées pour Geudertheim il y a une trentaine d’années, par un membre de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Brumath et Environs, le regretté Jean-Claude WERLÉ, trop tôt décédé. Ceci sous l'égide de la Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie d'Alsace, qui avait lancé une opération de recensement des « petits monuments ruraux » (croix et bornes). Des volontaires se sont chargés de battre la campagne pour retrouver ces témoins du passé, les ficher et les décrire.

Jean-Claude WERLÉ avait retrouvé plus de quinze bornes pour notre village. Certaines de ces vieilles bornes de Geudertheim ne remontent qu'au 19e siècle, et ne portent qu'un numéro d'ordre. Beaucoup portent les lettres G.G., ce qui signifiait « commune de Geudertheim » (Gemeinde Geudertheim), comme « G.B. » signifie « commune de Brumath ». Si de rares bornes peuvent être identifiées comme datant du 18e siècle (grâce à la date gravée entre autres), la plupart remontent par contre au 17e siècle, et même d’avant la guerre de Trente Ans (1618-1648) : on retrouve en effet des bornes datées de 1618 ou même de 1613.

Sur la borne n° 3, par exemple, les lettres « G.G. » se trouvent dans une sorte de blason, dont la partie inférieure semble avoir été martelée, comme pour effacer les armoiries qui auraient pu y figurer, sans doute les armoiries de la seigneurie. Sinon, les pierres datées de 1613 ou 1618 ne portent aucun signe particulier. Par contre, sur d'autres, en particulier celle datée de 176(4 ?), on trouve le fameux Dorfzeichen, le trait transversal allant cependant d'un côté à l'autre du cercle.

         

Les bornes communales n° 1 (18e siècle) et n° 10 (non datée) de l’inventaire.

 

Que penser alors de la borne montrée par Schoenhaupt ? Il s’est sans le moindre doute trompé, comme on peut le constater aussi pour Mundolsheim ou Vendenheim, dont les symboles qu’ils donnent ne correspondent pas non plus à ceux attestés dans les textes ou sur le terrain…

 

 

Ce symbole du « cercle barré » se retrouve aussi sur le poteau cornier, unique en Alsace, de la maison située au 48 rue du Général de Gaulle, et qui porte l’inscription :
« Année 1759 / École protestante de Geudertheim / Georg Kieffer Écoutète / Diebolt Klein Bourgmestre / Johann Niclaus Strohschneider Maitre-charpentier / Michel Ce.. ».

L’écoutète était le représentant désigné par le seigneur pour administrer la commune, le bourgmestre étant lui le représentant élu par les échevins (conseillers municipaux) qui se réunissaient dans ce qu’on appelait le « Poêle des échevins », en allemand Burgerstub, et qui se trouvait également à cet endroit depuis au moins le 17e siècle. Le nom de Johann Niclaus Strohschneider se retrouve sur d’autres maisons des alentours, en particulier à Hoerdt. Quant à la fin de l’inscription, illisible, elle correspond sans doute au nom du compagnon (Gesell en allemand, les lettres ..ES.. étant encore lisibles) qui travailla avec le maître charpentier.

Que représente alors cet « anneau ou cercle, avec à l’intérieur une ligne transversale » ? C’est Ludwig Schoenhaupt qui nous donne malgré tout un indice : en fait, le Dorfzeichen ne représente sans doute pas une roue de moulin (Mühlrad) mais une meule (Mühlstein), symbole utilisé en particulier par la Curie (assemblée noble) de la Meule (zum Mühlstein) à Strasbourg au Moyen Âge.

Il ne faut pas oublier en effet que Geudertheim s’est développé au bord de la Zorn, et que dès l’an mille, on y trouvait au moins deux moulins, une activité économique essentielle. En quelque sorte, Geudertheim fut aussi un
« Mühlhausen », comme la ville de Mulhouse, dont les armoiries reprennent elles effectivement la roue du moulin.

Le seul et authentique symbole ancien de Geudertheim est donc la meule, d’r Mehlstein.

 

Nota : les armoiries modernes de Geudertheim, de Bouxwiller, de Harskirchen, de la famille de Nassau et du comté de Sarrewerden sont des dessins provenant de Wikipedia Commons, sous licence libre dite Licence publique générale GNU, réalisés pour le Projet Blasons de la Wikipédia francophone.

 

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