D’une guerre mondiale à l’autre

C’est le 31 juillet 1914 que l’état de guerre fut déclaré dans l’empire allemand. L’Alsace-Moselle fut alors un des enjeux politiques (étant un des aspects de la « Revanche ») de ce premier conflit à l’échelle planétaire...


Extraits et résumé de Geudertheim, le grenier aux images, Coll. Mémoires de Vies, Éditions Carré Blanc, Strasbourg juin 2005

 

C’est le 31 juillet 1914 que l’état de guerre fut déclaré dans l’empire allemand. L’Alsace-Moselle fut alors un des enjeux politiques (étant un des aspects de la « Revanche ») de ce premier conflit à l’échelle planétaire qui fit 9 millions de morts et 6 millions de blessés. Combat dans les tranchées dans des conditions effroyables pour les soldats, rationnement et réquisitions pour les civils à l’arrière (dont l’enlèvement des cloches et des tuyaux d’orgues des églises) ces années furent terribles, au point que l’on jura que cela serait « la der des ders ». 33 fils de Geudertheim, âgés de 18 à 40 ans, laisseront leur vie dans ce conflit, sous l’uniforme allemand : 7 sur le front de l’Est, 23 sur le front franco-belge, 1 en Macédoine, et 3 autres à un endroit que nous n’avons pas pu situer…

 

« Communiqué du Grand Quartier Général (français), le 22 novembre 1918 : l’occupation successive des localités délivrées de la Lorraine et de l’Alsace s’est poursuivie aujourd’hui dans un enthousiasme magnifique (…). En Alsace, nos avant-gardes ont atteint Reipertswiller, Uberach, Dauendorf, Geudertheim, Vendenheim, après avoir fait leur entrée à Ingwiller, Bouxwiller et à Brumath où elles ont reçu le plus émouvant accueil ».

 

Puis ce furent les « années folles », ainsi nommées parce que ceux qui vivaient encore étaient heureux d’être encore là, même si les estropiés (les « gueules cassées »), les gazés, les amputés,… et ceux qui étaient devenus fous ou amnésiques, se comptaient par dizaines de milliers. Des familles se disputaient de pauvres hères qui avaient perdu la mémoire, et en qui elles affirment chacune reconnaître le père ou le fils disparu. Les femmes, alors qu’elles travaillaient « à ‘l’arrière », avaient en même temps conquis une indépendance qu’elles ne veulent plus perdre. Elles voulurent voter, elles coupèrent leurs cheveux, leurs jupes raccourcirent. La modernisation continua au village, et l’on vit apparaître les premières voitures à moteur : la première après 1918 fut celle du meunier Charles Ulrich, qui possédait en 1920 une torpédo NAG, suivi en 1921 par l’épicier Chrétien Fessmann qui avait une Phaenomen-Zittau sur châssis 1916. En 1923 Ulrich avait en plus une Delage, et Fessmann avait remplacé sa voiture par une Licorne. En 1927 le village comptait 12 automobiles, 15 en 1928 et 14 en 1930, plus 3 motos : Georges Roser une BSA anglaise, et Philippe Loser et Charles Fessmann chacun une Terrot. Et à cette époque, la vie associative fut de plus en plus riche, tant au niveau culturel que sportif.

 

Dans les années 30, Geudertheim fut ainsi un village connu dans toute l’Alsace, notamment par sa Musique Paysanne, qui fêta à cette époque son centième anniversaire, lors d’une fête qui accueillit les personnalités politiques et culturelles régionales alors les plus en vue. La vie associative resta intense, puisque la Société de Gymnastique fêta quant à elle ses 25 ans, et que l’on assista à la naissance d’une société hippique.

 

Le 1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. Le monde entra dans une nouvelle folie qui cette fois fit 50 millions de morts, dont 15 millions de militaires et 35 millions de civils, parmi lesquels 6 millions de juifs. L’Allemagne eut 7 millions de morts et la France 535 000. Un bilan terrible dont notre société, une fois de plus, ne sortit pas indemne. Pas une famille ne fut épargnée, dans sa chair ou dans son mode de vie.

 

A partir de septembre 1939, Geudertheim vit l’agitation des soldats français en cantonnement. Le village ne faisait pas partie des communes les plus proches du Rhin qui avaient été évacuées, vidées de leurs habitants, ce qui était déjà une épreuve de moins à vivre. Mais les hommes valides du village n’étaient plus là, eux aussi quelque part sous l’uniforme.

 

Et lorsque les Allemands se décidèrent à franchir le Rhin et à attaquer la ligne Maginot, le 15 juin, qui se défendit héroïquement, leurs troupes étaient déjà à Paris. L’Alsace redevint allemande, manu militari.

 

 

Messerschmitt 109 posé en catastrophe dans les champs de Geudertheim
le 28 septembre 1939.
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C’est le 24 novembre 1944 que Geudertheim accueillit les libérateurs, des américains du 314th Infantry Regiment de la 79th Infantry Division. Dans la nuit, après un court combat, aidé par leurs artilleurs du 311th Field Artillery Battalion, ils firent 130 prisonniers dans la forêt de Geudertheim. L’artillerie américaine s’installa dans le Weyergarten, et le château de Notre-Dame de Sion devint un agréable quartier général pour eux. Le 26 décembre, ils furent suivis, pendant quelques jours, par la Cie A du 275th Infantry Regiment (70th Division), qui dansa la salle de La Couronne. De nombreuses unités se succédèrent sans doute, dont par exemple, début février 45, la 69th Chemical Company (USA Chemical Corps), unité spécialisée dans les écrans de fumée. Les Américains restèrent semble-t-il jusqu’en mars 1945. Vinrent ensuite, jusqu’en juillet, des soldats français. Nos anciens se souviennent de  « zouaves », ce qui semble confirmé par les chéchias que l’on voit sur certaines photos, et les archives de Notre-Dame de Sion mentionnent le 55e GAA (Groupe d’Artillerie d’Afrique ou Groupe d’Artillerie Antiaérienne ?).

 

Les conséquences de la guerre se firent ainsi sentir encore quelques années, entre les produits de première nécessité qui manquaient, les soldats qui n’étaient pas rentrés (et dont on espéra parfois longtemps le retour), et le pays à reconstruire. Par chance, à Geudertheim, seules quelques maisons avaient été détruites ou endommagées des faits de guerre, rue Hornwerk notamment, au moment de la Libération. Mais l’essentiel était qu’on pouvait commencer à repenser plus sereinement à l’avenir, dans des conditions de vie qui globalement ne différaient guère de celles d’avant 1940.

 

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